Mediabask 

par Laurent Platero (27 dec. 2022)

Une recherche plastique sur les racines et l’identité, chez Arcad Isabelle Vialle et Christina Manolagas à Anglet.
(...) Une installation, de la vidéo et des monotypes, associés à la diffusion d’enregistrements, montrent le résultat de plusieurs mois de travail commun sur la notion d’identité. Chercher en soi quand on est deux, c’est comprendre ce qui sépare et ce qui lie. Les racines sont au cœur de leurs projets respectifs, voici qu’un interstice leur permet d’avancer ensemble, de faire face à une société imposant parfois le déracinement, et l’inextricable questionnement identitaire qui en découle. (...) 

France Bleue Pays basque 

"Côté culture" entretien du 8 dec. 2022  

avec David Talec 


Contemporanéité de l'Art

par Philippe Cadu (9 dec.2022). Les artistes se sont immergées pendant sept mois pour créer ensemble, provoquant une évolution constante de leur production, parfois radicalement remise en question au fil de leurs interrogations. 
C’est ainsi qu’elles ont laissé leurs mues prendre place dans les interstices – lieux de tous les possibles, en acceptant l’instabilité et les incertitudes qui participent de la co-naissance et d’une quête de soi toujours en mouvement. (...)

Miroir de l’Art #109 – Mars 2021


Décryptage, une peinture vue par BLIK - 

(…) Cette foule végétale aspire à l’élévation et chaque centimètre gagné vers le ciel s’inscrit dans le miroir mouvant qui baigne ses racines. Reflet de ses espoirs comme de son impuissance à atteindre l’inaccessible. Cette foule d’enracinés, d’enchevêtrés, de verticaux ressemble en bien des points à la société des humains : chacun aspire de la même façon à l’impossible tout en s’enivrant de son propre reflet…

(…) Symboles de nos existences, les arbres de la mangrove s’élèvent comme ils peuvent. Ils n’ont pas d’autre choix que la lumière, espoir insensé d’un ailleurs rayonnant.

Miroir de l'Art N° 81 2017

Artension  N°134 Novembre Decembre 2015 - Portrait par Ch.Noorbergen

Artension Hors série N°23

Miroir de l'art - # 36  (couverture)
 par Ludovic Duhamel

 
 (...) La peinture d’Isabelle Vialle creuse jusque dans le cœur des êtres pour y déterrer ce que le temps y a soigneusement enfoui, cherche à retrouver le chemin d’une mémoire perdue… Pour reprendre le titre de l’un de ses tableaux, son œuvre est un peu celle des dommages collatéraux, de ce qui n’aurait pas dû advenir mais qui, par ricochet assassin, a tout anéanti, pulvérisant des vies, de l’intérieur. C’est une peinture qui décrit au fond le résultat de l’effrayant mécanisme qui gouverne le monde. Au moment où nous entrons dans la toile, le mal est déjà fait, Isabelle Vialle nous en montre les conséquences, la trame grise du destin. 
 Il n’en demeure pas moins que la beauté plastique de cette horreur rentrée saute aux yeux. Le ténébreux n’est pas le moins fascinant, et derrière les plus grandes tragédies se cachent souvent des grandeurs d’âme dont le souvenir permet aux survivants des siècles suivants de nourrir l’espoir nécessaire à toute reconstruction. Et Enée portant Anchise, son père, s’en va créer loin de Troie, loin de la guerre, les bases d’une nouvelle civilisation. 

Isabelle Vialle exprime en ombres et en lumières les sourdes angoisses de la condition humaine. Sur la toile, les personnages émergent d'une brume impalpable, livrés à un sort contraire qui finira par les enfouir au plus profond de l'oubli. Une oeuvre forte, à la puissance d'évocation peu commune.
Ludovic Duhamel


(...) Isabelle Vialle soulève avec son travail une question fondamentale, à savoir si l’expérience d’un dialogue avec un élément du monde, peut établir la forme d’une manipulation. Si finalement il s’agit d’un transfert empirique de l’enseignement, comme l’histoire. Quelle est alors la relation entre expérience et style ? L’expérience initiale des troncs et des racines comme un stimulus d’explorations et d’expériences jusqu’à son application à d’autres objets. Il s’agit d’une œuvre dont la qualité de peinture, la superbe intégrité technique et le choix inattendu d’une élaboration empirique, forment ces questions appropriées qui ne visent pas aux solutions, qui ne servent pas de solution non plus, mais qui deviennent, en tant qu’interrogations, l’œuvre elle-même.
 Emmanuel Mavrommatis Professeur émérite Université Aristote de Thessalonique   .2014

Exposition personnelle Institut français de Thessalonique 2014

 Domna Chanoumidou - curator Thessalonique 

Symbole archétypal de vie, l’arbre et surtout l’olivier, se dévoile sur la toile d’Isabelle Vialle, autour de la thématique qui construit désormais son univers pictural. Fidèle à toutes les caractéristiques techniques qui n’ont jamais cessé de régir l’ensemble de son œuvre, comme son écriture gestuelle intense, sa persistance monochromatique qui créé un jeu d'opacité et de transparence, ainsi que ses figures polymorphiques, qui même si à première vue fonctionnent comme le noyau de l’image, se déploient de façon inattendue, comme des faisceaux lumineux qui surgissent du centre pour envahir le reste de la toile et former ainsi la composition, avec ce thème l’artiste suggère des corrélations symboliques tout en l’investissant d’une sensation onirique.

 Ayant comme point de départ sa pérégrination dans le lieu qu’il l’a accueilli il y a un an, dans sa propre "terra incognita", Isabelle Vialle perçoit avec une intuition purement artistique le paysage grec et spécialement les champs des oliviers, elle conçoit les images et les sons de la nature qu’elle regroupe en instantanés photographiques avec une sensibilité féminine, avec son langage poétique compose une série de métamorphoses comme un symbole sacré. Des troncs, des arbres, multiples et presque en relief, des formes massives volumineuses et noueuses avec des ramifications dépourvues de tout feuillage et des dédales complexes de racines se dévoilent sous les yeux du spectateur, privés de leur environnement naturel, comme s’ils étaient suspendus sur la toile ou le papier, émergent presque d’un temps primitif. Et ils subissent une mutation sous le regard du spectateur. Sans cesse. Parfois, ils sont dotés de mouvements rythmiques, oscillants, vibrants, palpitants, dansants, érotiques, parfois ils sont dotés de voix, et hurlent, chantent, parlent, chuchotent, disputent, portés par leurs caractéristiques morphologiques humaines ou animales, souvent sexués. 
 

En d’autres mots, l’artiste loin de tout effort d’assujettir sur la toile son objet, offre des essences de vie à la chair, donne du souffle, et donc de l’âme à la matière, en la constituant en sujet vivant, agissant, et en même temps un repère absolu de sa sémiologie personnelle. 


Et c’est exactement cette matière vivante mise en scène qui fait abolir toute notion conventionnelle de temps et d’espace, alors que tout effort de leur concrétisation logique est impossible sur le niveau synchronique. Car, l’espace-temps de l’univers pictural de l’artiste, dans le sens bakhtinien du terme, semble être palpitant, se contractant et se dilatant sans cesse. Il se libère des contraintes stériles "d’ici et maintenant" et prend sens seulement à travers la voix, à travers l’âme des arbres.
 
 Et si, comme le dit Gaston Bachelard, « la poésie [au sens de la création ex nihilo du terme] est une âme inaugurant une forme », tout nœud séculaire du tronc, constitue à la fois la trace du temps ineffaçable, inhérent à lui, la cicatrice d’un corps, chargé du poids de la mémoire et de l’émotion, de la perte et de la douleur, de la mort et de la renaissance. Tout aboutissement de son propre rhizome devient la substance qui le rend phototropique, et donc accueillant à la lumière, et connecte indissolublement la terre-matrice au ciel-récepteur, la matière à l’esprit, le passé à l’avenir, les ténèbres à la lumière. Enfin, la mort à la vie.
 
 Sans aucun doute, les troncs-corps d’Isabelle Vialle surgissent à la surface comme une cosmogonie, en énonçant des paroles enracinées, dans un espace-temps universel et donc diachronique, « où rien n’est tout à fait mort, [mais où] tout sens aura son retour festif ». Dans celui des champs des oliviers éternels.



Coup de coeur de la revue Aralya:

par Denys-Louis Colaux

Auteur belge (1951/2020), Poète, Nouvelliste, Romancier

 Voilà une artiste reconnue et extrêmement complexe, secrète, enfouie et pourtant au gouvernail d’une œuvre hallucinante qui semble pourtant faire l’économie de tout ce qui éblouit. Son art semble consister en un curieusement accouchement du filigrane des choses, une venue au monde du caché, du tapi, l’avènement d’une épiphanie profane et fantastique, une étrange épiphanie comme légèrement atténuée, estompée par un très discret voile onirique. Le rêve est ici inséparable du cauchemar, le beau du laid, le figé du chorégraphique, l’élan du magma. L’œuvre ne crie pas, elle s’impose par une sorte de majesté terrible, l’œuvre s’établit dans la haute vocation de la monstruosité, le monstre étant ce qui est digne d’être montré, le monstre étant ce qui avertit, éclaire, inspire, le monstre pouvant figurer encore l’être de caractère surnaturel. 
 Il y a dans cet étonnant amalgame, - que la geste picturale rend néanmoins cohérent -, de fleurs et de végétaux humains étranges, inquiétants, vénéneux ou troublants une philosophie de la vie, une considération de l’espèce en retrait de toutes les dichotomies rudimentaires et de toutes les classifications triviales. L’artiste cherche, traque inlassablement l’être dans le temps, dans les livres, les légendes, dans les chemins de ses ambiguïtés et de ses déclinaisons successives, dans ses fantasmes, ses effrois, ses enfers, ses hantises. Mais elle mène sa traque en esthète, avec une qualité de geste qui séduit, une profondeur de trait, une manière d’une subtilité effarante, elle opère dans les sombres, dans des fonds nuit, avec des résurgences de bleuté, des gazes, des brumes, à l’écart de tous les aguichages chromatiques. 

 Vialle semble à la tête d’une formidable conjonction d’attributions : prophétesse du malheur et du destin problématique des êtres, visionnaire lovecraftienne, artiste du fantastique, poétesse du désastre, pythie hallucinée, chantre de la grâce blessée, annonciatrice du passé, des convulsions antédiluviennes conduites dans la giration de la terrible répétition, conteuse visuelle, brasseuse de mythes, tératologue esthète, spécimen inédit de frémissante humanité, elle est une sorte de formidable âme en ébullition projetant sur la toile, - avec une maîtrise rare, un sens exceptionnel de la nuance -, laves, vapeurs, fragments de nuit, formes crépusculaires, silhouettes nocturnes, merveilleux lambeaux de l’histoire convulsive et de la légende de l’être. 
 Dans ce fastueux spectacle visuel, on voit de vrais fantômes, des brouillards de marais, des fumées d’enfer, on croise les irrésistibles poèmes de Baudelaire, les douloureux effrois de Howard Philip Lovecraft, la fumée délétère de certains ses mythes,  l’intrusion sinueuse du surnaturel, le prophète Jérémie, la colère de Léon Bloy, la pensée antique, l’évolution hallucinée de l’espèce, l’imagier des contes mené au maximum de sa fièvre. 
 Plus encore, on admire dans l’œuvre cette rencontre assez inédite, hautement, puissamment troublante, entre l’horreur et le tendre, le délicat et l’effrayant, le corrompu et l’attendrissant, l’affreux et l’humain. Un talent exceptionnel accomplit la merveille de faire tenir tout cela dans une œuvre qui rayonne presque noir. Oui, s’il est vrai qu’une étoile a pleuré rose, voici une œuvre qui rayonne presque noir. Et ce presque cache un trésor d’humanité. Un frisson sublime. La forme la plus inattendue, et peut-être la plus bouleversante, de la compassion. 

Par Domna Chanoumidou - Commissaire d'expo

 "Les Douves d'Isabelle Vialle et la femme dans sa véritable humanité" :

Miroir de l'Art N° mars 2011

Isabelle Vialle, veilleuse de chair 

Par Christian Noorbergen

 
Isabelle Vialle est de la famille des acharnés, celle des grands veilleurs de chair. Il y eut naguère Zoran Music, Paul Rebeyrolle, et Stani Nitkowski, Il y a aujourd’hui Lydie Arickx, Olivier de Sagazan, Fabien claude, Gérard Alary ou Jean Kiras. 
Peut-être la veine la plus vive, et la plus dure, et la plus crue de la création. Art de hauts risques, où la peinture sait brûler ses surfaces, et saccager l’usure des apparences. Chez Isabelle Vialle, comme arrachée au dedans, la peau couvre la toile de pigments en lambeaux, et de graves gestes acérés, creusent dans le hors-temps de l’art, l’éternelle présence de la mort, et les instants miraculeux de la vie. 


 





Les creux du corps s’ouvrent à tous les dehors, et le cycle vital de ce qui surgit et disparaît vibre au profond de la toile. 

lieu d’insondable création, le paysage humain est ici sans fond, et le corps vrillé coule de l’infini du haut vers l’infini du bas. Corps éphémère, passerelle entre deux infinis. 

Le corps peint, vêtu de signes et de traces, épouse à vif les nœuds furieux de l’univers. Indistingués et fluides, nés d’avant la sommaire distinction d’origine, les corps éblouis de Isabelle Vialle gardent le plus lointain contact avec la trame la plus intime et la plus enfouie de ce qui unit la terre vivante à la boue charnelle. 


 



Chez elle, on passe sans le savoir du corps au vide, et de la peau vive aux ténèbres. L’œil est un trou d’opacité dans la nuit de l’univers, le corps innombrable est la blessure même de l’humanité, et ses douleurs arrachent la peau du monde. Acculée d’horreur et de beautés fragiles, l’artiste révèle le sublime du corps uni et séparé. 

Les silhouettes enfiévrées d’Isabelle Vialle, et leurs doubles en échos, épousent au secret du temps les implacables confins du corps. Inextricable de l’art  et de l’amour. 

Peinture de haute tenue, fatale et cruelle. 

Catalogue de fin de résidence Troyes (2007)